Dans cette période de forte contrainte budgétaire, les attaques contre la fonction publique ont le vent en poupe. La fonction publique et ses agents font figure d’exutoire, ils sont appréhendés, dans les représentations véhiculées dans la sphère politique et médiatique, comme « des poids budgétaires ».
Les agents souffrent non seulement d’un manque de considération mais deviennent des cibles, phénomène connu sous les termes de « fonctionnaire bashing ». Ce contexte délétère influe non seulement sur le moral des agents publics mais également sur leur sécurité physique et psychique. Leur santé, leurs conditions de travail, leur qualité de vie, le sens de leurs missions pour nos concitoyens ne font pas l’objet d’un grand intérêt quand ils ne sont pas instrumentalisés à des fins de dénigrement.
1. Les agents de la fonction publique souffrent d’un manque de reconnaissance et de protection
L’UNSA Fonction Publique vient de mener une enquête sur son site (1014 réponses). Les résultats montrent que le moral des agents publics est très impacté par des violences symboliques et par des violences verbales ou physiques.
- Impact démotivant lié aux attaques contre les agents publics : Une forte majorité (76,8%) des agents est affectée par les attaques contre la fonction publique.
- Taux d'agressions : Une part importante des agents (64,2%) a déjà été victime d'agression verbale ou physique.
- 59,93% des agents évaluent la confiance du public envers leur institution comme faible ou moyenne (notes 1, 2 et 3 sur 5).
Ces perceptions convergent avec des constats chiffrés (enquête annuelle de la DGAFP), encore partiels et à consolider, sur les violences externes subies par les agents publics. Les violences physiques et psychiques sont en hausse dans la fonction publique et sont sous-déclarées. Si l’exposition aux risques de violences externes était autrefois surtout centrée sur les métiers de la sécurité (police, personnel pénitentiaire par exemple), elle s’est progressivement diffusée aux personnels de secours (pompiers) et corps de contrôle, pour gagner des secteurs jusqu’alors bien moins exposés comme les métiers du soin, de l’éducation et du social.
Globalement, les résultats de cette enquête montrent que les agents se sentent peu respectés en tant que personne mais aussi que le respect des institutions qu’ils servent régresse. Ils estiment que le travail qu’ils accomplissent au quotidien ainsi que leurs missions de service public manquent de considération et de reconnaissance. Ce ressenti négatif concerne à la fois l’attention que leur portent leurs employeurs mais aussi la sphère médiatique et politique.
Côté employeurs, l’absence de dynamique des rémunérations pèse lourd ainsi que la dégradation des conditions de travail.
- 85,27% des agents estiment que leur rémunération n'est pas en adéquation avec leurs responsabilités,
- Plus de la moitié des agents (79,7%) a déjà envisagé de quitter la fonction publique à cause des conditions de travail qui se dégradent.
Leur perception de la représentation dont ils sont l’objet dans les médias révèle une atteinte à leur identité profonde et au sens de leur travail.
- La grande majorité des agents répondants (83%) estime que leur travail est peu valorisé par les médias.
Ces manques de reconnaissance et de protection perçus sont un facteur important de démotivation.
- Près de la moitié des agents (49,5%) a déjà envisagé de quitter la fonction publique en raison du manque de reconnaissance.
Ces éléments peuvent partiellement éclairer le déficit d’attractivité auquel est confrontée la fonction publique. Travailler au quotidien dans un milieu professionnel peu valorisé y compris par son employeur et sous l’angle des rémunérations, soumis à des mutations constantes, dans un environnement de travail potentiellement hostile comportant des risques pour la sécurité et la santé, avec des conditions de travail et une qualité de vie au travail très perfectible, n’est pas engageant.
Le récent débat sur les arrêts de travail des agents publics pour légitimer l’augmentation de leurs jours de carence et la baisse de leur rémunération pendant leurs arrêts maladie, pour des raisons strictement budgétaires, contribue à véhiculer une image très négative des agents. Pourtant, le rapport annuel sur l’Etat de la Fonction publique 2025 confirme (hors période covid) la diminution du nombre moyen de jours d’absence pour raison de santé des agents publics qui se rapproche du privé (2024 : 11,1 jours contre 10,6 jours dans le privé). La fréquence plus élevée des absences pour raison de santé est en partie liée à des effets de structure (davantage de femmes et des agents plus âgés). La pénibilité des métiers (notamment dans la fonction publique territoriale et hospitalière) permet également d’expliquer les écarts, par exemple les agents de la fonction publique hospitalière sont plus souvent soumis à des horaires atypiques que les salariés du privé. Les durées d’absence continuent également de baisser dans la fonction publique alors qu’elles ont augmenté dans le secteur privé. On peut s’interroger sur la place consacrée à cette information et cette instrumentalisation dans les médias.
Les agents publics, eux, perçoivent la diminution des rémunérations pendant les arrêts maladie ordinaire comme très injuste et refusent que leur santé soit considérée comme une variable d’ajustement budgétaire.
2. Restaurer la confiance et agir rapidement
Pour l’UNSA Fonction publique, la sécurité, la protection de la santé physique et psychique, l’amélioration des conditions de travail des agents doivent être mieux prises en compte et donner lieu à des mesures concrètes. Ces actions sont déjà du ressort des employeurs publics.
- Assurer un dialogue social soutenu sur la sécurité et la santé des agents publics pour une deuxième génération d’un Plan Santé, Sécurité et Conditions de Travail dans la Fonction publique qui intégrerait obligatoirement un axe violences internes et externes,
- Renforcer la lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans la négociation en cours de l’Accord sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et intégrer son contenu dans le plan d’action.
- Consolider les données disponibles, les analyser et élaborer des mesures concrètes qui changent réellement la situation des agents et restaurent la confiance dans leur protection par leurs employeurs,
- Inscrire obligatoirement le risque d’exposition aux violences dans les documents d’évaluation des risques et les plans de prévention annuels,
- Former les acteurs de la prévention, des ressources humaines et de la médecine du travail à la prise en compte des risques de violences sur l’ensemble de leur dimension,
- Mettre en œuvre très rapidement un plan d’action national et des négociations locales pour prendre et appliquer ces mesures concrètes de protection (dont la mise en œuvre très précoce et systématique de la protection fonctionnelle), de prévention (organisation du travail, conditions de travail), de signalement, d’accompagnement et de prise en charge.
- Mettre en œuvre une campagne de communication sur les violences pour les agents publics : pour les informer des dispositifs sur lesquels ils peuvent compter lorsqu’ils sont exposés à ces violences, les mesures de prévention mises en place, comment agir en cas de violences et comment leur action sera suivie d’effet, mais aussi une campagne pour les usagers des services publics qui viserait à rappeler le rôle des services publics dans leur vie concrète et quotidienne mais aussi les mesures en place pour préserver la sécurité des agents publics dont les sanctions encourues en cas d’actes de violences et l’action juridique des employeurs.
- Améliorer la reconnaissance des accidents de service et des maladies professionnelles en particulier celles concernant les impacts psychiques.
- Travailler avec les médias et les acteurs d’influence pour développer une image plus positive de la fonction publique et de ses agents.
- Donner des perspectives salariales et des perspectives de carrière aux agents.
Pour l’UNSA Fonction publique les violences ne sont pas des fatalités, elles peuvent être prévenues dans tous leurs aspects et leur prise en charge significativement améliorée. Si le devoir de protection de la santé et de la sécurité des agents incombe avant tout aux employeurs publics d’autres responsabilités sont impliquées. Ainsi, il serait utile de rappeler à nos concitoyens les services rendus à la population par la fonction publique, lever la confusion entretenue entre les montants des dépenses publiques et les montants des dépenses de fonctionnement de la fonction publique, rendre lisible en terme financier les ressources préservées dans le budget des ménages pour chacun des services publics rendus et valoriser cette action en termes de lutte contre les inégalités sociales.
Annick Fayard
Secrétaire Nationale de l’UNSA Fonction publique