La fonction publique de l’État au défi du vieillissement de ses effectifs
La structure des carrières et l’allongement de la durée de vie professionnelle due aux réformes successives des retraites se conjuguent pour accentuer le vieillissement de la population des agents de la fonction publique.
L’UNSA Fonction Publique n’a cessé d’interpeller les gouvernements successifs sur les impacts de ce phénomène majeur de vieillissement inéluctable, mais prévisible.
Un rapport de la Cour des comptes publié en 2024 alerte sur les spécificités de la démographie de la fonction publique de l’État et préconise des mesures immédiates. L'UNSA Fonction Publique a notamment milité pour une réelle gestion des âges, la modulation des déroulements de carrière, la mise en place de la retraite progressive, l’aménagement et l’accompagnement du troisième temps de carrière, des mesures d’organisation du travail, la prévention de l’usure professionnelle et la mise en place d’une véritable gestion prévisionnelle pluriannuelle des emplois et des carrières ainsi que l’utilisation des ruptures conventionnelles en fin de carrière. Le rapport de la Cour va tout à fait en ce sens, mais les actions ne suivent pas.
Une Fonction publique de l’État (FPE) vieillissante
La Fonction publique de l’État emploie 2,54 millions d’agents (2022). Sa démographie comporte des particularités et donc des défis à relever. Le rythme du vieillissement des agents de l’État s’accélère depuis 2018 plus vite que celui des deux autres versants. La part des agents de plus de 60 ans représente 22 % des agents de plus de 50 ans (soit 33 %) contre 20 % dans les autres versants. La part des plus de 60 ans augmente beaucoup plus rapidement que la part des 50 à 60 ans. La proportion d’agents de plus de 60 ans dépasse pour les femmes celle de la fonction publique territoriale qui a pourtant la pyramide des âges la plus vieillissante. L’âge moyen d’entrée dans la FPE s’élève chaque année.
La FPE concentre des populations à l’origine de ce phénomène
Cela est dû au poids de certaines populations sur ce périmètre : les enseignants de l’Éducation nationale (80 % des agents de la catégories A), certaines catégories de cadres administratifs (attachés administratifs en catégorie A), les secrétaires administratifs et les adjoints administratifs (en catégorie B) et la part de l’encadrement supérieur de l’État (85 % des agents de catégorie A+ sont dans la FPE).
Les problématiques sont différentes selon les catégories d’emploi. Pour les A et A+, ils sont plus âgés car ils rentrent plus tard dans la carrière et subissent majoritairement le report du départ en retraite. Pour eux, c’est bien la question des débouchés de fin de carrière qui va se poser.
Les agents administratifs sont majoritairement des femmes déjà avancées dans la carrière. Par exemple, l’âge moyen des secrétaires d’administration a déjà atteint 50 ans. La situation dans les services est très tendue. Dans les 10 ans, la question de leur renouvellement va se poser (70 000 personnes) sur 162 000 agents administratifs. Même s’ils ne sont pas remplacés à l’identique, la situation est critique et nécessite des mesures immédiates.
L’aménagement des fins de carrière et la prévention de l’usure professionnelle doivent devenir des priorités
Malheureusement, le constat est alarmant : la gestion des ressources humaines est faible et très insuffisante pour la gestion des fins de carrières. L’UNSA Fonction Publique ne cesse de revendiquer le renforcement de la GRH avec la mise en place d’une vraie GPEEC avec des statistiques et des outils performants. Pour que la continuité du service soit assurée, l’employabilité des agents doit l’être aussi. La prévention de l’usure professionnelle, face à cette situation démographique préoccupante doit devenir une priorité. C’est la raison pour laquelle l’UNSA Fonction Publique a demandé son inscription dans l’accord de méthode sur la qualité de vie et les conditions de travail. Les dispositifs de reconversion et de reclassement doivent s’amplifier et être opérationnels ce qui nécessitent des moyens en termes de personnels. De plus, il faut anticiper le fait que les congés pour raisons de santé sont plus longs avec l’âge. Il en est de même pour les demandes de prise en charge de l’invalidité qui devraient logiquement s’accroître.
L’UNSA soutient de nouveaux droits pour les agents en fin de carrière
En contrepartie de l’allongement des carrières, l’UNSA plaide pour le développement de la retraite progressive et le recours à la rupture conventionnelle pour les agents n’ayant pas atteint une durée de cotisation leur permettant de liquider une retraite sans décote, mais ces dispositifs ne sont pas de droit pour l’agent et connaissent des fluctuations importantes dans leur utilisation par les administrations.
2005-2025 : quelle prise en compte du handicap dans la Fonction Publique ?
L’UNSA Fonction Publique propose un premier bilan, 20 ans après la publication de la loi sur le handicap.
Le 11 février 2005, la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté de personnes handicapées a créé le Fonds pour l’Insertion des Personnes Handicapées dans la Fonction Publique (FIPHFP). Ce fonds et sa gestion soutenue par le dialogue social constituent le levier majeur de l’insertion des personnes en situation de handicap dans la fonction publique. En 20 ans, de véritables progrès ont vu le jour, mais de nombreux freins subsistent.
Le dialogue social sur la question du handicap est à renforcer
Le FIPHFP réunit tant au niveau national que régional, les employeurs publics, les organisations syndicales représentatives et les associations de personnes en situation en handicap pour développer une politique handicap au sein de la fonction publique. Le FIPHFP passe des conventions de financement avec les employeurs publics, qui fixent des objectifs précis, et encouragent financièrement les actions innovantes. Ses commissions suivent et impulsent les actions à mettre en œuvre tant sur le recrutement, l’évolution des carrières, l’adaptation des postes de travail, les représentations du handicap, la lutte contre les stéréotypes ou l’accessibilité. Néanmoins, le suivi est faiblement documenté en raison des carences de remontées statistiques des employeurs. Sans ces données, l’évolution des actions et des dispositifs est amoindrie. Aucune négociation nationale n’a été ouverte sur ce sujet dans la fonction publique.
Un objectif de 6 % de taux d’emploi toujours à atteindre
L’objectif d’un taux d’emploi de 6 % de personnes en situation de handicap a donné un cap, mais n’est pas encore atteint partout. Cet objectif peut être satisfait soit par voie de recrutement soit par le maintien de l’emploi d’agents en situation de handicap. La fonction publique a dû ouvrir une voie de recrutement spécifique. D’abord recrutées sur contrat pour pourvoir un poste compatible avec leur handicap, ces personnes peuvent être titularisées au bout d’un an d’exercice après l'évaluation de leur l’aptitude professionnelle.
Si les 6% de taux d’emploi ne sont pas atteints, une amende annuelle sous forme de cotisation est versée par l’employeur public au FIPHFP pour financer les programmes et mesures spécifiques au handicap dans la fonction publique. Mais l’application de ces amendes n’a pas toujours été concrétisée.
Grâce à de nombreux programmes et outils déployés par le FIPHFP en 20 ans, le taux d’emploi dans la fonction publique a progressé de 3,73% en 2005 à 5,93% en 2024. Cependant des différences notables persistent entre les taux d’emploi des différents versants de la fonction publique :
- 7,24% dans le versant territorial,
- 5,90% dans le versant hospitalier,
- 4,86% dans le versant de l’État.
Pour contribuer à l’atteinte de l’objectif des 6 %, la loi transformation de la Fonction Publique de 2019 a ouvert une nouvelle voie de recrutement en permettant aux employeurs publics de titulariser des apprentis en situation de handicap.
Néanmoins des différences subsistent au sein des différents versants. Par exemple, sur le versant de l’État, les disparités sont criantes entre les ministères qui « interprètent » l’obligation d’emploi. L’éducation nationale a longtemps été exonérée de sa cotisation du fait de la déduction des charges liées à l'embauche des AESH (Accompagnants des Élèves en Situation de Handicap). Néanmoins le taux d’emploi d’agents en situation de handicap a un peu progressé de 2,82 % en 2014 à 4,09 % en 2024.
L’article 93 de la Loi de 2019 a ouvert la possibilité à un fonctionnaire en situation de handicap de progresser dans sa carrière par changement de corps voire de catégorie mais cette possibilité n’est pas toujours saisie. La fonction publique territoriale a avancé dans ce domaine, mais peu d’employeurs de l’État ont utilisé ce dispositif.
Un manque d’accessibilité subsiste
L’accessibilité physique demeure insuffisante. De plus, la dématérialisation des services publics nécessite de veiller à l’accessibilité numérique des agents en situation de handicap et des usagers. L’UNSA Fonction Publique s’est fortement impliquée pour que soit créée une « commission accessibilité numérique » au sein du FIPHFP. Désormais, un décret instaure une amende de 50 000€, renouvelable tous les 6 mois en cas de non-respect des obligations d'accessibilité des services de communication au public. Ces avancées bénéficient à tous ceux rencontrant des difficultés avec les nouvelles technologies.
L’évolution lente des représentations du handicap
La prise en charge, depuis peu par le FIPHFP, des handicaps invisibles, est une avancée indéniable qui témoigne d’un changement des mentalités. L’évolution des représentations est un travail au long cours. Le travail de promotion et de sensibilisation au handicap conduit par le FIPHFP et son réseau (directeurs techniques dans les régions, référents handicap) commence à porter ses fruits. L’organisation de rencontres, de communications (vidéos, podcast) participent à initier une réelle prise de conscience. Des formations et des campagnes de sensibilisation au handicap sont aussi organisées par certains employeurs publics. Mais en l’absence d’obligation, tous les employeurs ne se saisissent pas de cette opportunité. Beaucoup reste à faire pour le maintien ou l’intégration des agents en situation de handicap dans les services. La situation de handicap dans la fonction publique figure toujours parmi les principales discriminations relevées par le rapport du défenseur des droits. Cette situation ne peut perdurer, les employeurs publics se doivent d’être exemplaires.
L’UNSA Fonction Publique demande l’ouverture d’une négociation nationale sur ce sujet afin de donner un nouveau cap et de prendre en compte l’impact d’allongement des durées de carrières.
Retraites des agents publics : l'UNSA Fonction Publique exige de vraies avancées
L’UNSA Fonction Publique a participé au dispositif de dialogue social en cours sur les retraites (conclave bis pour la fonction publique).
Pour elle, ce dispositif spécifique ne reflète pas les enjeux communs partagés par l’ensemble des régimes de retraite en termes d’équilibre et d’interdépendance des règles. Si la fonction publique a des règles spécifiques liées en grande partie aux modes de rémunération, elle comprend aussi des agents contractuels gérés par le régime général. Elle compte 5,5 millions d’agents.
L’UNSA Fonction Publique a rappelé que les agents publics ne bénéficiaient pas des mêmes possibilités de retraite progressive, que la pénibilité des agents non couverts par le service actif n’était pas prise en compte, que le gel du point d’indice générait depuis plusieurs années une baisse mécanique des pensions en euros constants, que l’usure professionnelle devait être prévenue et accompagnée, que le taux de remplacement pour les fonctionnaires devait être amélioré par une meilleure intégration des primes, que les droits familiaux des femmes devaient être comparables à ceux du secteur privé.
L’UNSA Fonction Publique a demandé expressément que soient travaillés les scénarios revenant sur l’âge légal de départ à 64 ans.
Elle appréciera les réponses apportées à ses revendications lors des prochaines réunions retraites dédiées à la fonction publique.
Bagnolet : le 19 mars 2025
Luc Farré
Journée de mobilisation le 3 avril 2025
L'UNSA Fonction Publique se mobilise le 3 avril pour le pouvoir d'achat des agents publics et contre la baisse de la rémunération pendant les congés de maladie.
Communiqué de presse : Nous n’accepterons pas une année noire pour la Fonction publique et les agent·es publics en 2025 !
Les organisations syndicales CGT, UNSA, FSU et Solidaires refusent que les services publics, la Fonction publique, les agent·es publics soient sacrifiés sous le joug de contraintes budgétaires qui seraient appelées par la mise en oeuvre d’une possible « économie de guerre » sur le dos des personnels et des usager·es.
Force est de constater que l’année 2025 pourrait être une année noire pour les services publics, les usager·es, les agent·es marquée par :
- une volonté gouvernementale et patronale d’augmenter toujours et encore le temps passé au travail avec le passage à 64 ans pour pouvoir bénéficier d’une retraite à taux plein. Deux ans après, la réforme est toujours aussi inacceptable : les 64 ans doivent être abrogés !
- une nouvelle dégradation de la rémunération des agent·es publics avec la poursuite du gel de la valeur du point d’indice après une année blanche en 2024, la reconduction du non-versement de la Gipa (Garantie individuelle du pouvoir d’achat) en 2025 comme en 2024, l’absence de refonte de la grille indiciaire, la persistance d’inégalités salariales entre les femmes et les hommes,
- la stigmatisation des agent·es malades avec la réduction de 10 % de la rémunération les trois premiers mois du congé maladie ordinaire,
- par l’injustice sociale liée aux baisses de crédits alloués au financement des politiques d’action sociale.
Force est aussi de constater qu’en engageant une nouvelle revue des missions publiques ou encore une loi dite de simplification, ce sont de nouvelles externalisations, privatisations et suppressions de politiques publiques et de services publics qui sont à l’ordre du jour au détriment du service rendu aux populations.
Les organisations syndicales CGT, UNSA, FSU et Solidaires réitèrent que d’autres choix sont possibles, nécessaires et finançables. Nous revendiquons :
- Des services publics et une Fonction publique assurant les droits et répondant aux besoins des populations sur l’ensemble du territoire y compris en Outre-Mer,
- L’augmentation de la valeur du point d’indice et des mesures salariales générales,
- La suppression de la baisse de 10% des rémunérations pendant les congés de maladie,
- La refonte des grilles indiciaires,
- L’égalité salariale et professionnelle entre les femmes et les hommes,
- Le rétablissement du versement de la Gipa,
- Que les droits des agent·es publics, au titre des politiques de protection et d’action sociales, soient assurés.
Les organisations syndicales CGT, UNSA, FSU et Solidaires appellent les agent·es publics à une journée d’actions, d’information et de mobilisation des personnels, le jeudi 3 avril 2025, pour débattre et faire entendre leurs revendications.
Paris, le 19 mars 2025.
Lettre ouverte au Ministre de l’Action publique, de la Fonction publique et de la Simplification Monsieur Laurent Marcangeli
Dans une lettre ouverte adressée au ministre, les 8 organisations syndicales de la fonction publique dénoncent une nouvelle dégradation des conditions de travail et de rémunération des agents publics.
Monsieur le Ministre,
Les organisations syndicales CGT, FO, CFDT, UNSA, FSU, Solidaires, CFE-CGC et FA-FP refusent que la Fonction publique et ses agent·es fassent les frais de contraintes budgétaires dont elles et ils ne sont pas responsables.
Force est de constater que l’année 2025 est marquée par :
- une nouvelle dégradation du pouvoir d’achat des agent·es publics avec la poursuite du gel de la valeur du point d’indice, l’absence de mesures générales, le non-versement de la Gipa en 2025 comme en 2024, l’absence de refonte de la grille indiciaire, la persistance d’inégalités salariales entre les femmes et les hommes,
- la stigmatisation des agent·es malades par la réduction de 10 % de la rémunération des jours d’arrêts maladie,
- l’injustice sociale liée aux baisses de crédits alloués au financement des politiques d’action sociale,
- la confirmation du recul social que constitue la fixation à 64 ans de l'âge légal de départ à la retraite.
Les organisations syndicales CGT, FO, CFDT, UNSA, FSU, Solidaires, CFE-CGC et FA-FP refusent que 2025 soit une nouvelle année blanche pour la Fonction publique.
Elles appellent à la mise en œuvre d'un agenda social ouvrant rapidement des négociations pour une Fonction publique qui retrouve toute son attractivité afin de répondre aux besoins et aux attentes des populations. Il en va également de la reconnaissance due aux 5,7 millions d’agent·es qui voient leurs conditions de travail, leurs conditions d'emploi, leurs conditions d’exercice et leurs conditions de rémunérations en dégradation constante depuis trop longtemps.
L’ensemble des organisations syndicales représentatives continueront d’échanger dans les prochaines semaines pour définir ensemble toutes les réactions communes qui s'avéreraient nécessaires, pouvant aller jusqu'à la construction de mobilisations des personnels de la fonction publique pour exprimer leurs légitimes revendications.
Paris, le 18 mars 2025